18/05/2009

Le caractère périodique des conflits.

Aujourd'hui, je vous propose une communication un peu rébarbative peut-être, mais théoriquement plus courte que les précédentes (hum, après relecture, pas tant que ça), ça compensera j'espère ! Il va d'autre part s'y révéler un aspect "oiseau de mauvais augure" qui risque de se montrer bien souvent par ici. J'assume totalement, c'est un peu pour ça que nous sommes là après tout !

Laissez-moi donc vous parler d'un certain Gaston Bouthoul, considéré comme un des grands penseurs français de la polémologie. Cette discipline, dans son sens le plus restreint (et probablement le plus juste), s'attache à étudier les grands mécanismes sociologiques et politiques qui président à l'alternance entre la guerre et la paix. En ce sens, la polémologie se distingue de la stratégie, qui s'attaque a priori à des questions plus précises.

Bouthoul, n'a d'ailleurs pas écrit que des choses sensées. Ainsi, s'efforçant dans les années 70 de penser la source du prochain grand conflit mondial, il imaginait que celui-ci serait causé par la démographie galopante des pays du Tiers-Monde. Il suggérait donc, car la polémologie est aussi une discipline qui vise à éviter les conflits qu'elle a prévu, qu'il fallait glisser des produits stérilisants à l'insu des populations et de leurs gouvernants dans les cours d'eau par exemple, afin que leur démographie se calme pendant une génération ou deux (parce que oui, selon lui, on ne pouvait pas en discuter avec eux, ils n'étaient pas assez avancés ou responsables). Cette idée est absolument charmante, quand je suis tombé dessus dans son livre (Essais de Polémologie, 1976), les yeux m'ont piqué pendant quelques temps.

Ceci ayant été dit, je me suis lavé les mains et j'ai pris une grande goulée de whisky cul-sec pour me chasser le mauvais goût que j'avais dans la bouche, mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Quand on veut réflechir aux questions politiques, il faut s'efforcer de ne pas rejeter l'ensemble de la pensée d'un individu, tout nauséabond qu'il soit, même si l'on en critique catégoriquement une partie. Ainsi, sa théorie de la périodicité des conflits me semble tout à fait intéressante, et je vais m'efforcer de vous l'exposer ici.

Cette théorie, suggère que l'homme tend naturellement à oublier le malheur et la souffrance dont il a été victime, et que cette vérité s'appliquant a fortiori aux générations humaines, le souvenir des guerres et des révolutions a tendance à disparaître d'une génération à l'autre. Ainsi, les hommes, oubliant les souffrances subies par leurs ancêtres, seraient prêts à se laisser engager dans un nouveau conflit pour la simple raison qu'ils ont oublié à quel point la guerre était atroce, ou parce qu'ils estiment qu'elle appartient au passé, et ne font donc pas d'efforts pour en éviter une nouvelle, même si les signes avant-coureurs crèvent les yeux. Se dessineraient alors une série de points dans l'histoire où deux courbes se joindraient, l'une représentant l'oubli du conflit précédent, l'autre l'agressivité naturelle des hommes.

C'est ce retour incessant des conflits, ce caractère périodique, que Bouthoul s'est efforcé de définir. Lorsque l'on y réfléchit, on s'aperçoit que la faille de cette théorie provient essentiellement du fait que bien souvent, les hommes ne prennent pas le temps d'oublier la guerre précédente avant de s'engager dans la nouvelle (14-18 / 39-45 ...). D'autre part, on ne peut ignorer le caractère généralisant et donc un peu incorrect dans les détails de ce genre de vaste théorie explicative.

Pourtant, et je vais m'arrêter là en vous laissant libres de méditer tout cela, ne croyez-vous pas que si l'on élargit cette idée aux conflits au sens large et pas seulement aux guerres stricto sensu, elle contient un fond de vérité ? Ne nous sentons nous pas à l'abri, protégés de ce genre d'évènements, relégués tellement loin dans l'histoire qu'ils ne risquent plus de se produire, au moins pas sous nos cieux ? L'arrivée d'un pouvoir autoritaire en France, un conflit social sanglant qui enverrait l'armée dans les banlieues et ferait tirer dans les manifestations ... Pas au 21ème siècle, pas en France ?

Salutations !

4 commentaires:

  1. Reste à définir les moteurs ou les freins à ces évolutions (mémoire de l'horreur de la guerre, et violence d'une société), car le principe d'action ne peut se contenter de ce constat, et doit nécessairement être issu de faits, sinon quantifiables, du moins identifiables comme tels. (oui, vaste programme)

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  2. @ M. : Vaste programme en effet !

    D'une part, si l'on adhère aux grandes lignes de cette théorie, il est en effet important de ne pas céder à l'illusion de simplicité qui s'en dégage et de la pousser jusqu'à ses retranchements. Ainsi, il deviendra possible de lire et de comprendre avec plus de précision les mécanismes belligènes qui nous menacent (c'est un autre mot de la polémologie, je le trouve poétique !). Pour ce faire, il me semble que l'étude de l'histoire des conflits a son importance, même si la nature de l'humanité est de se surprendre par le renouvellement des horreurs dont elle est capable.

    Quant au principe d'action, qui doit être, il est vrai, notre horizon ultime, il n'est pas évident qu'il puisse s'appliquer à de telles tendances. De la réticence d'un Nicias à se rendre en Sicile à l'assassinat de Jaurès, il me semble que même les décideurs peinent à influencer les pulsions belliqueuses de la masse. C'est peut-être moins vrai des tentatives autocratiques d'une coterie de puissants(quoique la tentative d'un Von Stauffenberg ait également échoué). Au moins tous ces hommes auront-ils fait ce qui leur était humainement possible.

    Il nous faudra, je le crains fort, revenir sur cette grande question !

    Courage chers lecteurs, tant que nous veillerons, la guerre de Troie n'aura pas lieu !

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  3. Ceci dit, le monde dans lequel nous vivons ne subit-il pas des conflits permanents ? Avec le progrès technologique et la réduction des distances, la guerre n'est-elle pas plus régulière et diffuse ?

    Signé : Pas Xavier Darcos
    Ni Lando Calrissian

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