10/04/2011

Vers une encyclopédie subjective : le Geek

Geek :

Figure à la mode et aux contours assez flous, le geek apparaîtra ici dans une acception éminemment personnelle. Le geek a plusieurs visages, dans lesquels on se reconnaîtra plus ou moins.

Le « geek technologique » (geekus technologicus), a deux traits essentiels, qui ne coexistent pas nécessairement. Le premier de ces traits, le plus répandu, est une quête effrénée du dernier gadget à la mode, que celui-ci prenne la forme d'un engin d'Apple (le I-Truc 4.7 surclassant largement la version 4.6, qui n'affichait pas les pixels bleus avec la même profondeur), ou bien d'une fonctionnalité inepte (mon téléphone repère automatiquement les sosies de Georges Marchais) voire dangereuse (mon portable sait ce que je fais, quand, où je suis pour le faire, et garde toutes mes conversations en mémoire).
L'autre trait définitoire du geek technologique consiste en une compétence informatique supérieure à la moyenne qui en fait bien souvent la cible d'appels effrayés, au soir, quand la pensée magique a pris le dessus, et qu'on est persuadé que notre ordinateur, bleuissant les ténèbres de son écran d'erreur, veut nous tuer. Souvent, le geek technologique nous accompagnera alors de sa voix douce et rassurante, soulignant avec sympathie la profondeur de notre ignorance, et parlant à travers nous à notre machine, comme un chaman des temps anciens.

Le « geek des sous-cultures » (geekus vulgaris) a des visages beaucoup plus variés. En dernière analyse, il se caractérise par une connaissance approfondie d'un univers imaginaire complexe qui ne peut lui être d'aucune utilité dans la vie quotidienne. On observera de multiples sous-espèces, comme le « geek du merveilleux », le « geek de la science-fiction », le « geek des séries télévisées » ou le « geek des comics », chacune de ces sous-catégories pouvant également être raffinée. L'auteur-dessinateur Boulet est, à travers son blog, un porte-parole plein d'humour et d'auto-dérision de cette population, notamment quand il imagine des scénarios catastrophes dans lesquels les geeks pourraient donner la pleine mesure de leurs talents (qui serait plus à même de tenir en échec une invasion de morts-vivants ?).

Une dernière catégorie de geek, peut-être plus inattendue, est celle du « geek académique » (geekus classicus). Celui-ci est une créature solitaire, et torturée. Déchiré entre une formation classique et les sirènes de la culture populaire, il se refuse à abandonner l'une ou à dénigrer l'autre, et voit s'affronter en lui deux forces contradictoires. Capable de citer Mallarmé comme les dialogues de House, de triompher d'une asyndète latine comme d'un boss de jeu vidéo, il est de deux mondes et d'aucun. Se reprochant toujours, quand il geeke, de perdre un temps qui serait mieux utilisé à finir La Recherche, il constate aussi, lorsqu'il essaie de comprendre Kant, qu'il était quand même plus à son aise devant le dernier James Bond. Le « geek académique », bête maudite, se rêve parfois héraut d'une culture universelle, où Homère rencontrerait Simpson, mais il se craint alors, Quasimodo des idées, rejeté par les deux mondes qu'il aime. De la fenêtre, au loin, fendant l'azur d'un vol majestueux, on croit apercevoir un albatros zombie.

1 commentaire:

  1. J'avais fait un très long commentaire, mais blogspot a jugé qu'il était bon que je recommence, du coup ce sera plus bref.

    Je tenais à signaler mon désaccord concernant la première partie du "geek technologique". Je ne dirais pas que la quête du dernier gadget est un trait essentiel : il y a sûrement plus de non-geeks qui succombent à ce genre de frénésie que de geeks au total.

    L'idée du gadget n'est pas mauvaise, mais je dirais plutôt que le "techno geek" se caractérise davantage par un besoin d'outils qui sont inutiles au reste de la population mais qui lui permettent de développer ses compétences de chaman et ce, paradoxalement, pour simplifier son utilisation des technologies...

    Tout comme on ne reconnaît pas un "geek culinaire" à ses ustensiles mais à ce qu'il y a dans son assiette, on n'identifie pas un geek technologique au fait qu'il utilise un i-Bidule, mais plutôt parce qu'il utilise cet objet pour récupérer des informations via un site qu'il a lui-même mis en place, tout ça pour gagner 20 secondes.

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